Maison d’Izieu
Mémorial des enfants juifs exterminés
7 septembre 2014
Un moment très poignant, rempli d’émotions, de tristesse et de colère…
« Ne laissons pas le temps faire son œuvre d’oubli au lieu de faire œuvre d’histoire » François Mitterrand, 24 avril 1994
La Maison d’Izieu a été inaugurée le 24 avril 1994 par le président de la République.
Dans ces bâtiments, une centaine d’enfants juifs originaires de toute l’Europe ont été accueillis à partir de mai 1943 afin d’échapper aux persécutions antisémites.
Deux espaces sont ouverts à la visite
La grange dédiée à l’histoire, présente l’histoire singulière de familles d’enfants de la colonie et l’histoire des persécutions antisémites de l’Etat français et du génocide des juifs d’Europe. Des extraits du procès Barbie diffusés en exclusivité complètent l’évocation des grands procès d’après-guerre pour crime contre l’humanité.
La maison dédiée à la mémoire, est le lieu où vécurent les enfants et leurs éducateurs près d’un an. Elle esquisse le quotidien de la vie de la colonie à travers les lettres, les dessins et les portraits des enfants.
26 juillet 1939
Sabine et Miron Zlatin, arrivés de Pologne et de Russie en France dans le courant des années 1920, sont naturalisés français
Fin mai 1941
Sabine et Miron Zlatin sont installés depuis 1940 à Montpellier. Congédiée de la Croix-Rouge et de l’hôpital militaire de Lauwe, où elle était infirmière, en raison des lois antisémites de Vichy, Sabine Zlatin propose ses services à la préfecture de l’Hérault pour travailler dans les camps d’internement. Elle devient alors assistante sociale de l’OSE et aide à libérer des enfants des camps d’Agde et de Rivesaltes.
Mars 1942
Sabine Zlatin prend la direction d’un home d’enfants à Palavas-les-Flots qui accueille les enfants juifs sortis des camps pour leur procurer les premiers soins avant de leur trouver un autre lieu d’hébergement.
Mars-avril 1943
Avec l'aide du sous-préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, les époux Zlatin quittent montpellier et installent une quinzaine d'enfants à Izieu, alors en zone d'occupation italienne, ce qui les met temporairement à l'abri des poursuites antisémites.
18 octobre 1943
À la rentrée scolaire, Gabrielle Perrier (Tardy, de son nom d’épouse), originaire du village de Colomieu, à une vingtaine de kilomètre, est nommée institutrice à la « Colonie d’enfants réfugiés » d’Izieu, elle a 21 ans.
Une menace grandissante
7 janvier 1944
Le docteur Bendrihem, médecin juif installé à Brégnier-Cordon, est arrêté par les autorités allemandes au hameau voisin de Glandieu.
8 février 1944
La Gestapo perquisitionne les locaux de la 3e direction de l’UGIF à Chambéry, dont dépend financièrement la colonie d’Izieu, et arrête le personnel.
Une assistante socile de l'OSE, Margot Cohen, se rend à Izieu et pousse à la dispersion des enfants.
Début avril 1944
Revenue à Izieu en mars, Sabine Zlatin retourne à Montpellier où elle active ses relation pour tenter de trouver un refuge plus sûr pour les enfants et disperser la colonie.
Le 6 avril 1944 au matin, alors que les enfants se préparent à prendre leur petit déjeuner, deux camions et une voiture de la Gestapo de Lyon, sous commandement de Klaus Barbie, font irruption dans la cour et arrêtent brutalement toutes les personnes présentes.
Seul Léon Reifman, qui est arrivé la veille de Belley pour passer ses vacances de Pâques à la colonie, alerté par sa sœur, parvient à s’enfuir en sautant par une fenêtre. Les fermiers voisins, les Perticoz, l’aident ensuite à se cacher.
Les témoins de la rafle – tel Julien Favet, l’ouvrier agricole employé chez les Perticoz et très proche des enfants – sont réduits à l’impuissance.
« […] Et quand je regardais dans les camions, une chose […] m’a frappé […] Les plus grands, ceux qui avaient 10, 12 ans, essayaient de sauter par-dessus les plateaux du camion et, aussitôt, ils étaient remis en place par deux Allemands, qui les prenaient et qui les rejetaient dedans comme des sacs de pommes de terre, comme de vulgaires sacs […] Et en arrivant dedans, un autre les prenait à coups de pied […] J’ai vu Monsieur Zlatin, le directeur de la colonie, qui s’est levé de dessus le banc du camion et il a crié à mon patron, qui était sur la porte : « Monsieur Perticoz, ne sortez pas, restez bien calé chez vous ! ” Et puis un soldat allemand lui a enfilé sa mitraillette dans le ventre et un grand coup de pied dans les tibias. Le coup de mitraillette l’a plié en deux et il était obligé de se coucher dans le camion et puis je ne l’ai plus vu. »
Témoignage de Julien Favet au procès de Klaus Barbie, lors de l’audience du 27 mai 1987.
Le convoi quitte le hameau de Lélinaz. Les habitants du village entendent les enfants chanter « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine ».
Le camion s'arrête pour se ravitailler devant la confiserie Bilbor à Brégnier-Cordon, les soldats allemands laissent descendre le petit René-Michel Wucher, âgé de 8 ans, reconnu par une parente ; le seul enfant du « pays », et qui n'est pas juif.
Sabine Zlatin, alors à Montpellier, est avertie de la rafle par un télégramme de Marie-Antoinette Cojean, secrétaire de la sous-préfeture de Belley : « Famille malade - maladie
contagieuse ».
13 avril-30 juin 1944
Conduits de Lyon au camp de Drancy, 42 enfants et 7 éducateurs d'Izieu sont déportés vers Auschwitz en plusieurs convois successifs. Tous sont assassinés dès leur arrivée au camps, à l'exception
de l'éducatrice Léa Feldlum, seule survivante. Deux adolescents et le directeur de la colonie, Miron Zlatin, sont assassinés à Reval (aujourd'hui Tallin), en Estonie.
Le confort de la maison est limité. Les bâtiments ne sont pas en très bon état.
Il n’y a ni chauffage, à part de petits poêles, ni eau courante.
Marie-Antoinette Cojean, secrétaire de la sous-préfecture de Belley, sollicite les organismes sociaux pour fournir à la colonie lits, couvertures, tables et ustensiles de cuisine.
Pour le ravitaillement, le sous-préfet Pierre-Marcel Wiltzer récupère une quarantaine de cartes d’alimentation. Celles-ci ne suffisent cependant pas à nourrir tous les enfants. Miron Zlatin comble le manque en parcourant régulièrement le village et les environs avec son vélo et sa remorque. À Brégnier-Cordon, la confiserie Bilbor donne des denrées.
Cette pièce était le vestibule de la maison.
En hiver, on faisait chauffer de l’eau dans la cheminée avec un chaudron, pour que les enfants fassent leur toilette. A la belle saison, les garçons se lavaient dehors, à la fontaine.
Le réfectoire
C’est dans cette pièce que les enfants prenaient leurs repas, assis autour de grandes tables au bout desquelles un adulte prenait place. Servis par Miron Zlatin et Léa Feldblum, les repas étaient joyeux et bruyants. Les menus, variés et suffisants.
Le matin de la rafle, lorsque la Gestapo est arrivée, le chocolat fumait dans les bols.
Les enfants s’approprient les lieux, mais les souffrances et angoisses liées à la séparation, et à l’absence des parents, continuent d’être présentes.
Certains adolescents, comme Paul, Théo ou Henry, ont compris qu’ils ne reverront pas leur famille. Les plus petits espèrent.
Dès qu’ils ont un contact avec l’un des leurs, les enfants écrivent des lettres, envoient des dessins. Pour y raconter leur quotidien, leurs besoins et leurs espoirs.
En souvenir du temps passé à la colonie d’Izieu ou en promesse d’amitié, les adolescents échangent des photographies ou des portraits dédicacés. Le soir, souvent sur la terrasse, ils imaginent ensemble l’avenir.
La classe
On installe la salle de classe dans cette pièce, la plus grande de la maison, la mieux éclairée. Les enfants sont assis derrière de grosses tables d’écoliers à deux places, sur trois rangs. Les deux pupitres du premier rang se trouvaient pendant la guerre ; les autres ont été donnés par la commune de Reyrieux.
Derrière le bureau de l’institutrice, un tableau noir. Sur les murs, des dessins.
Malgré les efforts de Miron ZLatin et la solidarité des instituteurs des écoles voisines, le matériel reste sommaire : quelques livres, des ardoises en carton, une carte du monde. Lorsque la craie vient à manquer, Gabrielle Perrier gratte un peu de plâtre sur le mur…
Sa tâche n’est guère facile : une quarantaine d’élèves répartis en plusieurs section, depuis le cours préparatoire jusqu’à la préparation du certificat d’études et de l’examen d’entrée en sixième.
Elle se souvient d’enfants intelligents, affectueux. Certains étaient espiègles, voir indisciplinés, d’autres plus dociles. Ils répugnaient à parler de leur famille, sujet trop douloureux.
Le mercredi 5 avril 1944, Gabrielle Perrier quitte la colonie sur son vélo, pour aller passer les vacances de Pâques chez ses parents, elle prend connaissance de la rafle qui vient de se produire. Revenue dans la maison d’Izieu quelques semaines plus tard, elle récupère sa blouse restée suspendue à l’espagnolette de la fenêtre. Dans la poche, le sifflet que lui avait offert Raoul-Barouk Bentitou pour marquer la fin des récréations.
Dans les courriers qu’il adresse à ses parents, Georgy Halpern décrit méticuleusement sa vie scolaire :
« La classe est jolie, il y a deux tablaux, il y a un poêl, des cartes de geographie, des image sur les mur, il y a 4 fenetres, je mamuse bien, Il y 15 buraux" ; "(…) en classe le matin on fait de l’ecriture du calcul. Lapré midi on fait une dictée ou un devoir de grammaire est quand on saie on aprent des leçon, une resitations, des verbes la table de 1 de 2 de 3 de 4 de 5 de 7 de 8 de 9 de dix. On fait des conpositions j’ai u 64 points edemi j’ai etait le troisième sur 8. »
Les dortoirs
Ces deux pièces avaient été aménagées en dortoirs pour les enfants. Les adolescents les plus âgés habitaient au grenier.
Lorsque les effectifs ont beaucoup augmenté au cours de l’été 1943, une partie des enfants a été logée dans la magnanerie.
Les jeux, les baignades dans le Rhône, les promenades ou encore et surtout le dessin rythment la vie de la colonie avant l’arrivée de l’institutrice en octobre 1943. Dans une lettre à Sabine, Miron Zlatin déclare que ces enfants sont de « véritables papivores », qui lui réclament toujours cahiers et crayons.
Chaque fête est l’occasion de resserrer les liens : les enfants échangent leurs vœux et leurs souhaits pour leurs anniversaires ; pour Noël, ils préparent des spectacles et on fabrique quelques déguisements.
Miron Zlatin tenait scrupuleusement un cahier de comptes sur lequel il notait toutes les dépenses. Nourrir plusieurs dizaines d'enfants n'était pas chose facile et il devait parfois parcourir des kilomètres pour s'approvisionner.
Il inscrivait également les mouvements des enfants – entrées et départs - avec les pensions versées par l’UGIF ou, pour les enfants non juifs, par leur famille (Ce sont ceux qu’il inscrivait sous la rubrique « particuliers »).
Les listes dont on dispose sont datées de mai 1943 à janvier 1944. On voit ainsi, que sur cette période 105 enfants ont séjourné à Izieu avec un chiffre maximum de 64 enfants en même temps en septembre 1943.
Les enfants aident à la préparation des repas. En été, ils épluchent les légumes en groupe sur la terrasse. Les adolescents Théo et Paul sont chargés par Miron Zlatin de cultiver un petit jardin pour compléter le ravitaillement. Ils reçoivent pour cela un peu d'argent de poche.
« Ici vous serez tranquille » a dit le sous-préfet de Belley à Sabine Zlatin, il n’imaginait pas qu’un jour les Allemands viendraient jusque-là.
Les voisins
Les relations avec la famille Perticoz, dont la ferme jouxte la colonie, sont très bonnes. Le fils et Julien Favet, ouvrier agricole, se lient avec la colonie. Le matin, les enfants apportent à Julien son repas dans les champs voisins.
La question d’une dénonciation
On a souvent parlé d’une dénonciation de la colonie d’Izieu.
Des soupçons ont pesé lourdement sur un paysan, réfugié lorrain, Lucien Bourdon, présent le jour de la rafle au côté des Allemands. Inculpé de trahison et d’intelligence avec l’ennemi, Lucien Bourdon a été jugé à Lyon le 13 juin 1947. L’accusation de dénonciation n’a pas été retenue, aucune preuve, aucun aveu, aucun témoignage n’ayant permis de la légitimer. La Cour le juge uniquement « coupable d’indignité nationale ». Il est condamné à « la dégradation nationale à vie » et immédiatement remis en liberté.
La présence des enfants juifs à Izieu n’était ni secrète, ni clandestine.
En l’état actuel des recherches historiques, il est impossible de savoir à partir de quelle information la Gestapo de Lyon a été en mesure d’ordonner et d’organiser l’arrestation de la colonie d’Izieu. Les pistes sont multiples : les courriers échangés entre les enfants et leurs familles, les traces administratives de l’installation et de la gestion quotidienne de la colonie, la scolarisation des plus grands à Belley, les informations récoltées par la Gestapo lors de la rafle des locaux de l’UGIF à Chambéry, ...
Après la rafle Sabine Zlatin tente de sauver les enfants. Elle se rend à Vichy puis à Paris, où elle contacte la Croix-Rouge. En vain.
Elle rejoint ensuite la Résistance à Paris. Elle porte le nom de Jeanne Verdavoire et agit auprès du service social du Mouvement de libération nationale.
A la libération elle est nommée hôtelière-chef au Centre d’accueil des déportés de l’hôtel Lutétia. Après la fermeture du Centre, elle reprend ses activités de peintre et s’installe
définitivement à Paris.
Soucieuse de préserver la mémoire des enfants et des adultes arrêtés, et de témoigner de ce qui est arrivé à Izieu, elle demande au Préfet de l’Ain dès juillet 1945, d’apposer une plaque
commémorative sur la maison. A la fin de l’année 1945, elle donne une série de conférence sur la déportation, à travers la France.
Le 7 avril 1946 a lieu la première commémoration de la rafle, avec la pose d’une plaque sur la maison à Izieu et l’inauguration d’un monument à Brégnier-Cordon. Lors du procès de Klas Barbie en 1987, Sabine Zlatin est partie civile et témoigne le 27 mai 1987. Au lendemain de ce procès, elle fonde avec Pierre-Marcel Wiltzer, l’Association pour la création et la gestion du Musée-mémorial des enfants d’Izieu.
En 1989, elle est décorée de la Légion d’honneur par le Président de la République François Mitterand.
Sabine Zlatin est décédée le 21 septembre 1996 à Paris, elle est inhumée au cimetière du Montparnasse.
Sur le chemin du retour
Monument commémoratif à La Bruyère
Four à pain de La Bruyère
Port de Groslée
Cascade de Glandieu
Toiture à Glandieu
Présents sur de nombreux toits dans le Bugey, les pignons à redan, parfois appelés « pas de moineaux » dans d’autres régions.
Ils sont néanmoins caractéristiques de l’architecture bugiste et portent le nom de « mantelures ».
Surmontés de leur « charveyron », pierre taillée en forme de pain de sucre censée porter bonheur à la maisonnée dont ils surmontent la toiture, ces escaliers de pierre remplissaient plusieurs fonctions : tout d’abord celle de pare-feu. À l’époque où les maisons étaient couvertes de chaume, ils empêchaient les brandons incandescents d’embraser le toit voisin, et permettaient aux pompiers d’arroser directement le brasier.
Dans des conditions moins dramatiques, les mantelures faisaient usage d’échelle d’accès lorsqu’il s’agissait de réparer une partie du chaume endommagé.